Procès de dignitaires syriens à Paris: le régime de Bachar el-Assad sur le grill

Sur la gauche, un box vide et aucune robe noire : les accusés n’ont pas mandaté d’avocat pour les représenter. Sur l’estrade, les fauteuils de la cour sont également clairsemés, car en l’absence des mis en cause, les trois magistrats siègent sans juré populaire. La salle, elle, est pleine : public, chercheurs, journalistes se serrent derrière les parties civiles.

Obeida Dabbagh, frère et oncle des victimes, est là. « Évidemment, les accusés n’allaient pas venir se jeter dans la gueule du loup, mais j’aurais aimé qu’on puisse au moins se confronter à la défense de leurs avocats » déplore-t-il, anxieux mais soulagé que ce procès, « un combat de dix ans », se tienne.

Le régime ne veut pas apparaitre pour ne pas crédibiliser ce processus judiciaire, mais ils ont forcément des oreilles dans la salle.

« J’aurais tant voulu que ce procès puisse se tenir à Damas », soupire pour sa part Mazen Darwish, lui-même violenté dans les prisons syriennes. C’est d’ailleurs le « systématisme de la répression » menée par le pouvoir de Bachar el-Assad que détaillent les chercheurs en ce premier jour. « Le système carcéral, où la torture est industrialisée, est la colonne vertébrale d’un régime qui veut exercer un contrôle absolu sur la société pour se maintenir », pointe l’universitaire Ziad Majed.

Comme Mazen et Patrick Dabbagh, « des centaines de milliers de Syriens ont expérimenté la détention, sans doute 15 000 y sont morts » rappelle-t-il.

« L’objectif est de briser les familles »

L’un des enjeux du procès, c’est la question des preuves de cette répression de masse en Syrie, systématisée, alors qu’il est impossible d’enquêter dans le pays. Mais si les éléments matériels sont rares, le fichier César donne un sordide aperçu de cette répression « quasi industrialisée ».

César, c’est le pseudonyme d’un photographe militaire chargé, en mars 2011, de photographier des corps de civils. Quand il fuit la Syrie deux ans plus tard, il emporte 27 000 clichés de cadavres émaciés, mutilés, numérotés.

« En Syrie, vous pouvez aller à une manifestation ou simplement acheter du pain et ne plus jamais revenir, vous disparaissez », témoigne avec émotion Garance le Caisne, auteure d’un livre sur le sujet. Pour elle, ces photos « sont les archives de l’absence, elles montrent l’effacement de ces gens, dont les corps ne sont jamais rendus ».

Les familles parlent de trou béant : il n’y a pas d’ordre d’arrestation, elles ignorent où est retenu leur proche, elles n’ont rien et doivent en plus se tourner vers le régime pour espérer une bribe d’information. L’objectif est de briser les familles, de maintenir le contrôle sur les populations, c’est une autre forme de torture.

La torture que subissent les prisonniers a, elle aussi, pour but de « détruire », autant mentalement que physiquement, dénonce la journaliste, qui conclut : « En Syrie, on ne torture pas pour avoir des informations, pour faire parler, mais pour faire taire, pour annihiler. Ce système, c’est l’ADN du régime de Bashar el-Assad. »

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