
Seul l’objectif est connu : trouver 40 milliards d’économies. Un défi auquel Emmanuel Macron a ajouté un impératif : augmenter le budget de la défense de 6,5 milliards sur deux ans. À François Bayrou de trouver comment y arriver et c’est donc cette recette, préparée avec autant d’attention et de secret que la potion magique d’Astérix, que le Premier ministre va enfin dévoiler aujourd’hui.
L’enjeu pour lui est énorme, il s’agit d’être à la hauteur de son ambition de réduire les déficits pour ne pas hypothéquer l’avenir du pays, sans braquer les Français et sans s’exposer à une censure annoncée par les oppositions. Un « chemin » est possible, n’a cessé de déclarer François Bayrou, mais il est très étroit, car quels que soient les arbitrages annoncés, l’addition sera forcément salée.
François Bayrou dès avril dernier avait annoncé la couleur : pour assainir les finances publiques, « tous les Français devront faire des efforts… » Et si le principal levier envisagé concerne la baisse des dépenses, le Premier ministre est resté discret sur ses intentions précises. Il doit peser chaque mot face à des forces politiques capable de faire tomber à chaque instant son gouvernement.
Alors comment François Bayrou va-t-il enrober les mesures pour les faire passer ? Avec un soupçon de justice fiscale, un zeste de solidarité. Il a essayé de préparer les esprits sur l’impérieuse nécessité d’un effort collectif et d’en appeler à la responsabilité des forces politiques. Il compte aussi sur l’été pour calmer les esprits et négocier, avant l’heure de vérité de l’examen du budget à la rentrée, la dernière étape avant le sommet de l’Himalaya, celle où le Premier ministre court le risque de dévisser
Quelles pistes pour quelles économies ?
Si rien n’a fuité concernant les pistes que pourraient évoquer le chef du gouvernement français, plusieurs hypothèses sont sur la table.
L’« année blanche », expression qui revient souvent pour parler du Budget 2026, est un dispositif qui consiste purement et simplement à geler les dépenses publiques par rapport à l’année écouler sans tenir compte de l’inflation. Concrètement, garder le même budget que cette année à l’euro près alors que les prix augmentent. Cela veut ainsi dire qu’il y aurait une baisse relative des dépenses. Et selon plusieurs estimations, cela permettrait d’économiser entre 6 et 10 milliards d’euros.
Autre mesure sur le bureau du Premier ministre, celle de la désindexation des retraites. Là aussi, il s’agit de ne plus augmenter les pensions au rythme de l’inflation. Une mesure qui concerne tout de même près de 10 millions de retraités avec à la clé une économie d’un peu moins de 4 milliards d’euros.
Certains évoquent aussi des réformes de l’Assurance maladie, des coupes dans les agences publiques, et un gel du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui signifierait que plus de Français seraient soumis à l’impôt, soit plus de rentrées fiscales dans les caisses de l’État.
Enfin, des mesures plus controversées comme la TVA sociale ou la taxe sur les très hauts patrimoines sont discutées, mais elles divisent profondément la classe politique.
L’inquiétude des collectivités face aux coupes budgétaires
Du côté des collectivités territoriales, ont craint le gel de certaines aides essentielles au développement des communes. À Sarcelles par exemple, la ville a été relativement épargnée par les baisses des aides aux collectivités cette année. Mais dans cette commune ou 35 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, les annonces du gouvernement pourraient avoir de lourdes conséquences.
« Le scénario catastrophe, c’est qu’on annonce un gel des dotations », alerte Patrick Haddad, maire de Sarcelles. « Cela veut dire qu’on perd plusieurs millions d’euros en réalité, car on a des dépenses incompressibles qu’on ne peut pas arrêter. Après, on va dégrader le service public et abandonner des pans entiers d’investissement publics qui seraient dramatiques pour nos quartiers », craint-il.
Une des pistes avancées par le Sénat pour faire des économies : un transfert total de certaines compétences de l’État aux mairies. Patrick Haddad est formel, ce serait un cadeau empoisonné : « Moi, je ne suis pas pour que les villes aient plus de compétences aujourd’hui, il est très important que l’État assure ses fonctions principales, c’est bien d’avoir une police municipale, mais elle n’a pas vocation à se substituer à la Police nationale », souligne-t-il. « Si l’on fait ça, on va créer des sortes de mini-États dans notre propre pays et les collectivités les plus riches vont pouvoir se doter de très grandes polices municipales et beaucoup moins pour les collectivités qui sont en très grandes difficultés. »
Le maire rappelle les priorités de sa ville : accompagner les habitants précaires et financer des projets de construction de crèches, d’écoles et de centres culturels.