
Sinisa Karan, candidat nationaliste et homme lige du président déchu Milorad Dodik, a proclamé le premier sa victoire à la présidentielle anticipée de l’entité serbe de Bosnie. Il a accusé son opposant d’être un usurpateur. Mais pour un porte-parole de Branko Blanusa, le candidat de l’opposition sociale démocrate, pas question de reconnaître cette pseudo victoire.
Au contraire, il s’agirait d’une nouvelle tentative de fraude électorale de la part du parti au pouvoir, le SNSD. Pour ce porte-parole, Branko Blanusa serait en tête, de quelques centaines de voix, et il faudrait attendre le comptage des votes de la diaspora et des équipes mobiles pour le confirmer. Le même porte-parole fait état d’incidents dans au moins trois villes et de l’obligation de recommencer le scrutin dans ces bureaux, ce qui pourrait décaler le résultat final de plusieurs jours si l’écart de voix est faible.
Faible avance pour Sinisa Karan
Ce matin du lundi 24 novembre, les résultats préliminaires de la commission centrale électorale montraient une avance de 12 000 voix, et donc potentiellement une victoire pour le candidat du gouvernement, dans un contexte de participation en baisse, ce qui aurait favorisé le nationaliste.
« Notre candidat Sinisa Karan a remporté l’élection d’aujourd’hui. Cela ne fait aucun doute », avait lancé le soir du 23 novembre, avant même cette publication, Milorad Dodik devant ses partisans rassemblés au siège de sa formation nationaliste à Banja Luka, chef-lieu de la Republika Srpska (RS), l’entité serbe de Bosnie.
Milorad Dodik a dirigé la RS pendant deux décennies avant d’être démis récemment de ses fonctions par la justice après une grave crise politique. Six candidats étaient en lice. Sinisa Karan, 63 ans, ancien ministre de l’Intérieur et homme de confiance de Milorad Dodik, faisait figure de favori face à Branko Blanusa, professeur universitaire d’électrotechnique de 56 ans, dont la candidature est soutenue par plusieurs formations d’opposition.
La RS est, avec la Fédération croato-musulmane, l’une de deux entités autonomes qui forment la Bosnie d’après la guerre. Le président y désigne le Premier ministre, promulgue les lois, mais sans une majorité au Parlement, ses pouvoirs sont limités. Le nouveau président de cette entité qui couvre la moitié du territoire de la Bosnie et compte quelque 1,2 million d’électeurs, ne devrait rester au pouvoir qu’un an, avant des élections générales en octobre 2026.
La fin espérée des tensions en Bosnie
Ce vote est censé mettre fin à une période de turbulences en Bosnie, qui a vu le duel entre Milorad Dodik, proche de Moscou, et le Haut représentant international, chargé du respect de l’accord de paix de 1995, pousser le pays dans la plus grave crise politique depuis la fin de la guerre intercommunautaire (1992-1995).
Le Haut représentant dispose de larges pouvoirs. Il peut imposer ou modifier des lois, limoger des élus. Des prérogatives dénoncées sans cesse par Milorad Dodik, qui a multiplié les menaces sécessionnistes et les insultes envers l’actuel envoyé international, Christian Schmidt, un ex-ministre allemand qui a pris ses fonctions en 2021.
« Ces élections ont été organisées par les musulmans bosniaques et Schmidt », a déclaré Milorad Dodik ce 23 novembre après avoir voté dans sa ville natale de Laktasi. « Ils voulaient nous vaincre en Republika Srpska, et maintenant le peuple a une chance de les vaincre », a-t-il dit aux journalistes en promettant « la République serbe avant tout ».
La justice a interdit Dodik de candidature
Milorad Dodik a été condamné en appel, en août, à un an de prison, une peine transformée en jours-amende, et à une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant six ans, pour non-respect des décisions de l’émissaire international. Après avoir défié le verdict, il a fini par accepter l’élection d’un successeur, juste avant que Washington ne lève les sanctions qui le visaient depuis près de 10 ans à cause de sa politique séparatiste.
Durant la campagne, Milorad Dodik a affirmé qu’un vote pour Sinisa Karan était en fait un vote pour lui-même et sa politique, répétant que la Bosnie était « un pays impossible » et la RS « un État » qui doit « attendre » sa reconnaissance internationale.
De son côté, Branko Blanusa a expliqué que la RS était surtout « menacée » par les politiques de son adversaire : « Il a humilié les institutions de la RS pour ses propres intérêts et sa richesse, et c’est pour cela qu’il est désormais sur la liste noire du peuple ».