
L’accord de Washington au point mort ?
Le 27 juin, un accord de paix a été signé entre Kinshasa et Kigali à Washington, sous médiation américaine. Mais, plus de trois mois plus tard, la situation sur le terrain reste inchangée. L’armée congolaise a perdu plusieurs positions stratégiques dans la province du Sud-Kivu : la cité de Nzibira, dans le territoire de Walungu, ainsi que les localités de Luntukulu, Chulwe et Lubimbe. Les affrontements se sont intensifiés dans les territoires de Walungu et de Kabare, à la limite avec Mwenga et Shabunda.
Kinshasa continue d’accuser Kigali
Pour les autorités congolaises, ces revers militaires dépassent les capacités du mouvement rebelle AFC/M23. Kinshasa estime que ce groupe ne dispose ni des effectifs ni de la logistique nécessaires pour résister à son armée nationale, y compris face aux frappes aériennes. Le gouvernement persiste donc à accuser Kigali d’être derrière ces avancées rebelles. Dans ce contexte, la RDC refuse de signer le cadre économique régional prévu par l’accord de Washington, arguant que le Rwanda maintient encore des troupes sur son sol.
Kigali réplique et évoque les FDLR
Le Rwanda rejette ces accusations et renvoie la responsabilité à Kinshasa. Kigali dénonce la persistance de liens entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais hostile au régime de Paul Kagame. La première étape d’une opération censée démanteler ces liens devait débuter en octobre, mais aucune avancée concrète n’a encore été constatée, ce qui contribue à bloquer la mise en œuvre de l’accord.
Le facteur économique
À cette impasse militaire s’ajoute un calcul économique. Félix Tshisekedi sait que le partenariat minier voulu par Washington ne concerne pas uniquement la RDC. Kigali y figure également. Et sur ce terrain, les résultats sont tangibles, particulièrement au profit du Rwanda : fin septembre, les États-Unis ont reçu leur première cargaison de tungstène en provenance du Rwanda.
À Kinshasa, ce contraste alimente un sentiment de frustration. Alors que le pays peine à stabiliser ses zones minières de l’est, son voisin engrange déjà les bénéfices d’un accord similaire avec Washington.
Doha, une ligne rouge pour Kinshasa au départ
Mais le blocage principal reste politique. Le président congolais n’a jamais été fan d’un dialogue direct avec l’AFC/M23. Pour lui, négocier directement avec l’AFC/M23 est une ligne rouge. En août 2024, lorsque le Kenya pilotait encore la médiation régionale, l’AFC/M23 avait été exclu des discussions, conformément à la position de Kinshasa. Mais à Luanda et à Doha, le Rwanda a posé ses conditions : pas de poursuite du dialogue sans la participation du mouvement rebelle.
Résultat : le processus est devenu pour Kinshasa un passage obligé, mais non souhaité. Le gouvernement redoute que les thèmes que l’AFC/M23 souhaite aborder à Doha (gouvernance, décentralisation, intégration des combattants touchent à des aspects constitutionnels) remettent en cause la légitimité du pouvoir en place.
Fin septembre, l’envoyé spécial américain Massad Boulos reconnaissait la complexité du dossier : « Il y a neuf grands domaines de focus. Certains prendront du temps, d’autres peuvent être réglés en quelques semaines. Certains sont d’ordre constitutionnel. »
Félix Tshisekedi veut désormais accélérer. Il est convaincu que si Paul Kagame s’implique personnellement, l’AFC/M23 pourrait être affaiblie, voire neutralisée. Mais Kigali reste ferme. Ce vendredi matin, le gouvernement rwandais a rappelé sa position : « La paix en RDC ne pourra être atteinte qu’en s’engageant dans des négociations avec le mouvement rebelle congolais AFC/M23, conformément au processus de Doha auquel la RDC a accepté de participer. »
Kinshasa voulait aussi exposer Paul Kagame
Dans sa campagne contre Kigali, Félix Tshisekedi ne rate pas une occasion pour indexer son homologue rwandais. Et l’occasion s’est présentée à Bruxelles et il ne l’a pas raté. « On savait que la main tendue ne serait pas reçue de manière positive. Aujourd’hui, le monde sait quelle est la responsabilité de Paul Kagame dans ce qui arrive dans cette région », a expliqué à RFI un conseiller de Félix Tshisekedi.