
Le scandale a déjà conduit à la démission du directeur général de la BBC, Tim Davie, et à celle de la patronne de l’information du groupe, Deborah Turness. Le président du diffuseur public britannique a présenté ses excuses pour une « lourde erreur de jugement », dans une interview fleuve lundi 10 novembre, où il revient sur le montage controversé, bricolé à partir de deux discours différents de Donald Trump.
Le président américain passe désormais à l’offensive. Dans une lettre, ses avocats laissent à la BBC (British Broadcasting Corporation) jusqu’à vendredi 15 novembre au soir pour se plier à ses demandes, sans quoi il réclamera au service public britannique un milliard de dollars. Ses trois exigences : le retrait du documentaire, des excuses immédiates pour les déclarations « fausses, diffamatoires, désobligeantes et mensongères » qui lui ont été attribuées, et des compensations « appropriées », rapporte notre correspondante à Londres, Émeline Vin. Donald Trump affirme avoir subi « des dégâts financiers et réputationnels majeurs ».
La menace de poursuites sur le sol britannique paraît assez mince, puisque le documentaire a été diffusé il y a plus d’un an. Mais la Maison Blanche pourrait décider d’entamer des poursuites aux États-Unis, si elle parvient à prouver que l’émission y a été accessible. Le président américain, en guerre ouverte contre la presse, a multiplié les menaces et actions en justice contre des médias américains. Certains ont accepté de lui verser des millions de dollars pour qu’il retire ses plaintes.
La BBC promet de « renforcer » le contrôle des règles éditoriales
La BBC a indiqué « examiner la lettre » et a assuré qu’elle va « y répondre directement en temps voulu », a fait savoir un porte-parole, sans autres précisions. Lundi 10 novembre, le président du groupe audiovisuel, Samir Shah, a présenté ses excuses pour le montage du documentaire incriminé. Le médiateur du groupe a reçu plus de 500 plaintes à ce sujet en une semaine.
« La BBC souhaite s’excuser pour cette erreur de jugement », a écrit Samir Shah dans un courrier à la commission parlementaire britannique de la Culture et des Médias. Il a promis de « renforcer » le contrôle des règles éditoriales au sein du groupe, mais a aussi défendu le travail de son groupe, qui a produit ces dernières années « des milliers d’heures d’un journalisme remarquable ».
La patronne démissionnaire de BBC News a, elle, réaffirmé qu’il n’y avait « pas de partialité institutionnelle » sur sa chaîne, à l’origine du magazine « Panorama ».
La classe politique sévère avec la BBC
La classe politique britannique a quasi-unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l’affaire. Celle-ci tombe mal pour le groupe audiovisuel, qui doit renégocier d’ici fin 2027 son contrat de mission décennal avec le gouvernement.
À droite, la presse conservatrice a mené une campagne offensive contre le radiodiffuseur britannique. La cheffe du Parti conservateur, Kemi Badenoch, appelle carrément à « couper des têtes » à la suite des révélations « choquantes ». Le nationaliste Nigel Farage, proche de Donald Trump, défend une cure d’amaigrissement de la BBC : il prône un recentrage sur le divertissement et les sports, avec un service par abonnement, transformant la BBC en un genre de Netflix du service public.
Le gouvernement travailliste à Downing Street s’est toutefois montré catégorique : non, le service public n’est pas corrompu, ni « institutionnellement biaisé », comme l’avait accusé le président américain. Le porte-parole du Premier ministre Keir Starmer a souligné que le gouvernement soutenait « une BBC forte et indépendante ». « La BBC a un rôle vital dans une ère de désinformation », a-t-il ajouté. Mais le gouvernement appelle néanmoins l’institution à « maintenir une haute qualité » et à « corriger ses erreurs rapidement ».
Ailleurs dans l’opposition, le patron des Libéraux démocrates (LibDem), Ed Davey, appelle les autres élus à protéger la BBC, au nom de la défense de la démocratie contre des interférences étrangères. « La BBC n’appartient pas à Donald Trump », écrit-il dans une lettre ouverte.
La direction de la BBC doit organiser une réunion géante avec tous les employés dans la journée.