Roumanie: les électeurs de retour aux urnes six mois après l’annulation de la présidentielle

Affiches électorales avant l'élection présidentielle roumaine, à Bucarest, en Roumanie, le 29 avril 2025.
Affiches électorales avant l’élection présidentielle roumaine, à Bucarest, en Roumanie, le 29 avril 2025. REUTERS – Andreea Campeanu

Onze candidats en lice – neuf hommes et deux femmes –, mais un seul grand favori des sondages. George Simion, 38 ans, ancien supporteur de football, aujourd’hui chef et candidat du parti d’extrême droite AUR (L’Alliance pour l’unification des Roumains), a de fortes chances d’arriver en tête dimanche prochain, au soir du premier tour de la présidentielle de Roumanie. Crédité d’au moins 30% des intentions de vote, le populiste roumain, fan de Donald Trump à l’investiture duquel il a d’ailleurs été convié le 20 janvier dernier, Simion devance ainsi les dix autres candidats.

Refusant d’aller se confronter à ses adversaires sur les plateaux de télévision lors des débats organisés cette semaine, Simion sait qu’il a tout à perdre s’il se risque dans l’arène médiatique traditionnelle. Il préfère aller sur les réseaux sociaux – hier Facebook, aujourd’hui TikTok, très prisé des Roumains – ou envoyer des lettres par la poste aux électeurs plus âgés pour se faire connaître et promouvoir ses idées. Opposé à la guerre en Ukraine, demandant par ailleurs le rattachement des territoires roumanophones du sud de l’Ukraine, mais aussi farouche opposant au mariage homosexuel et antivax assumé, George Simion coche toutes les cases du complotiste moderne.

Défiance envers la classe politique

La moitié des prétendants actuels à la présidence roumaine ont participé aussi au scrutin de l’automne dernier, annulé par la Cour constitutionnelle à la veille du deuxième tour sur fond d’ingérences russes en faveur du candidat pro-russe Calin Georgescu, gagnant surprise du premier tour. Cette décision controversée et inédite dans l’UE a été critiquée tant sur le plan interne que par plusieurs organisations internationales. En Roumanie, elle a provoqué un vrai séisme politique, mais aussi une défiance encore plus grande envers la classe politique dite « traditionnelle ». Le Conseil de sécurité roumain (CSAT) avait rendu publics des documents démontrant le soutien de la Russie, sans la nommer explicitement, en faveur de Georgescu, en particulier sur le réseau TikTok. Par la suite, en février, celui-ci a été inculpé pour « incitation à des actions contre l’ordre constitutionnel, soutien à des groupes fascistes et financement occulte de la campagne électorale ». Enfin, en mars, la Cour constitutionnelle a écarté définitivement la candidature de Georgescu pour ces nouvelles élections. Le flambeau a été repris par George Simion, qui espère bien récupérer l’électorat de Georgescu, en se posant d’ailleurs en « héritier » de celui-ci et en promettant de le nommer Premier ministre en cas de victoire à la présidentielle.

Des sondages très peu fiables

Loin derrière le populiste d’extrême droite arriverait, selon les derniers sondages – très peu fiables en Roumanie –, Nicusor Dan, 55 ans. Maire de Bucarest depuis cinq ans, mathématicien formé en France, notamment à l’ENS, au début des années 1990, il est crédité d’environ 20% des suffrages. Pro-européen centriste, Nicusor Dan se présente aujourd’hui comme indépendant après avoir été l’un des fondateurs de L’Union Sauvez la Roumanie (USR). Il a quitté ce mouvement en 2017 après une polémique concernant la définition du mariage comme étant une union hétérosexuelle.

En troisième position, avec environ 19% des intentions de vote, se classerait le libéral Crin Antonescu, 65 ans, candidat unique de la coalition au pouvoir depuis 2021, formée par les sociaux-démocrates du PSD (Parti social-démocrate) et les libéraux du PNL (Parti national-libéral). Pro-européen, lui aussi, mais retiré de la vie politique locale après avoir été ministre dans plusieurs gouvernements dans les années 2000, et même président du pays par intérim pendant un mois et demi, il a passé les dix dernières années à Bruxelles auprès de sa femme, l’ancienne commissaire européenne Adina Valean.

Avec près de 15% des intentions de vote, la quatrième position dans les sondages d’opinion est occupée par Victor Ponta. À 52 ans, l’ancien Premier ministre social-démocrate, plusieurs fois accusé de plagiat pour sa thèse de doctorat, mais aussi soupçonné par la justice de corruption et évasion fiscale, il se présente aujourd’hui en indépendant. Ayant depuis des années abandonné son parti d’origine, Ponta s’est transformé récemment en ardent défenseur du souverainisme dans l’espoir de grappiller quelques votes à l’extrême droite.

Enfin, Elena Lasconi, présidente du parti d’opposition Union Sauvez la Roumanie (USR), finaliste au second tour annulé in extremis l’année dernière, est tombée cette fois-ci dans les sondages d’opinion à seulement 5%-7% des intentions de vote. C’est pour cette raison que son propre parti l’a lâchée récemment, préférant soutenir Nicusor Dan. Malgré cet affront interne et privée de financement de son parti, Lasconi a refusé de se retirer de la course.

Les six autres candidats ou candidates plafonnent autour de 1%-2% des intentions de vote.

Une éventuelle victoire de George Simion au second tour de la présidentielle, le 18 mai, ferait basculer la Roumanie, pays membre de l’UE et pilier de l’Otan sur le flanc est de l’Alliance, dans un autre monde. Toutefois, les analystes les plus optimistes considèrent que n’importe quel des trois candidats pro-européens qui se qualifierait au deuxième tour, face à George Simion, finirait par l’emporter.

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