
Attendu mardi 19 août sur le « Caillou », le ministre des Outre-Mer s’est fendu d’une formule résumant bien l’équation qu’il devra tenter de résoudre pendant ce voyage, note notre journaliste du service politique de RFI Raphaël Delvove. Interviewé dans les colonnes du Parisien à la veille de son déplacement en Nouvelle-Calédonie prévu de mardi à samedi, Manuel Valls, assure qu’il « ne veux pas passer en force. Mais il n’y a pas d’alternative crédible à Bougival ». Une manière pour le ministre des Outre-mer d’illustrer sa disponibilité au dialogue avec l’Union Calédonienne, la frange la plus radicale du FLNKS sans pour autant accéder à ses nouvelles exigences.
La plateforme des partis indépendantistes réclame en effet l’organisation d’élections provinciales en novembre 2025, ainsi que l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie en 2027. Des demandes inenvisageables selon le ministre pour qui l’accord de Bougival « doit » et « sera mis en œuvre ». Il laisse néanmoins la porte ouverte aux discussions et se dit prêt à « expliquer et compléter le texte » si nécessaire.
Pour rappel, l’accord de Bougival prévoit notamment la création d’une nationalité Calédonienne, d’une loi fondamentale. L’île se verrait aussi doter de compétences en relations internationales. En clair : la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » inscrit dans la Constitution française. Signé début juillet, l’accord sur l’avenir de l’archipel avait finalement été rejeté par le FLNKS.
Mais contrairement à l’Union Calédonienne, Manuel Valls assure que ce projet respecte bien l’identité Kanak, mais aussi les loyalistes, très attachés à l’appartenance à la France et pour lesquels il n’est pas question de revenir sur la victoire du « non » aux trois référendums sur l’indépendance ainsi que sur maintien du gel du corps électoral aux scrutins locaux. Manuel Valls peut en tout cas compter sur les autres mouvements politiques calédoniens, qui soutiennent massivement le texte, de l’opposition à l’indépendance jusqu’à certains mouvements indépendantistes.
Les leaders du FLNKS rencontreront Manuel Valls mercredi
C’est le cas par exemple de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), qui ne fait plus partie du FLNKS depuis le virage radical opéré en mai 2024, au lendemain des violences qui ont fait 14 morts dans l’archipel. Le mouvement a donc signé en son nom propre l’accord de Bougival. Le texte est imparfait, mais il est le fruit d’un compromis acceptable, estime Jean-Pierre Djaïwé, l’un des leaders de l’UNI, au micro de notre correspondante à Nouméa, Charlotte Mannevy. Il regrette la décision du FLNKl.
« Qu’est-ce qu’on peut imaginer si l’accord de Bougival doit tomber à l’eau ? Si on doit recommencer, se remettre au travail pour encore combien de temps ? Non. Je dis que la situation du pays aujourd’hui commande à ce que nous parvenions à un accord politique qui va permettre de remettre de la stabilité et permettre à la Nouvelle-Calédonie de se reconstruire ».
L’UNI s’est donc engagé à défendre l’accord de Bougival, malgré la décision du FLNKS. Et si le spectre d’un retour possible au conflit est dans toutes les têtes, Emma, une militante indépendantiste de 65 ans, estime qu’il faut tout de même avancer. « Aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui se retrouvent dans des situations de précarité ou même, à la limite, un sentiment d’abandon. Donc s’il y avait des nouvelles consignes, je ne suis pas du tout sûre que ça serait suivi à la lettre ». Le FLNKS a de son côté mis en garde le ministre contre tout passage en force. Mais il rencontrera Manuel Valls mercredi à son arrivée à Nouméa.
Installer un comité de rédaction
Ainsi, le ministre des Outre-Mer se rend en Nouvelle-Calédonie pour y installer un comité de rédaction qui doit œuvrer à une réécriture de certains passages du projet d’accord de Bougival. Il doit aussi y faire des annonces sur le volet social-économique pour tenter d’apaiser la colère, en particulier celle de la côte Nord-Est du Caillou où la précarité attise les tensions.
Pour convaincre, Manuel Valls prévoit aussi d’aller à la rencontre des élus provinciaux, des maires, des sénateurs coutumiers et des représentants. L’objectif pour le ministre est d’isoler les mouvements les plus radicaux au sein du FLNKS, car tous les indépendantistes ne sont pas nécessairement hostiles au processus de juillet dernier.
Reste à savoir si cela suffisant pour dissiper les tensions et parvenir à un accord. Manuel Valls sait que la tâche s’annonce extrêmement ardue et c’est aussi pour cela que qu’il ne ferme pas la porte à d’éventuelles discussions avec un certain Christian Tein, le leader indépendantiste kanak, aujourd’hui mis en examen et interdit de territoire calédonien pour son implication présumée dans les violences de mai 2024.
En tout cas, la position du ministre est d’autant plus délicate que son avenir est aussi menacé par les menaces de censure à court terme qui pèse sur son chef de gouvernement François Bayrou, en grande difficulté sur la question du budget 2026.