États-Unis: l’ICE, une police anti-immigration aux méthodes justifiées par la politique du chiffre

Un agent de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) devant le Metropolitan Detention Center de Los Angeles, le 10 juin 2025.
Un agent de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) devant le Metropolitan Detention Center de Los Angeles, le 10 juin 2025. AP – Eric Thayer

Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier dernier, l’ICE est désormais en première ligne de la politique migratoire du milliardaire qui a fait de l’expulsion massive de migrants illégaux la nouvelle priorité de son mandat. Le gouvernement a fait de cette agence fédérale son bras armés pour mener à bien son projet avec des méthodes qui suscitent beaucoup d’interrogation, jusqu’à déclencher des manifestations pour le droit des immigrés à Los Angeles.

Créée en 2003 suite aux attaques du 11-Septembre, l’Immigration and Customs Enforcement est aujourd’hui composée de près de 20 000 agents dans près de 400 bureaux aux États-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde avec un budget annuel de près de neuf milliards de dollars selon son site officiel.

Politique du chiffre

Le périmètre d’action de cette agence rattachée au département de la Sécurité intérieure est à l’origine assez large. Outre l’immigration illégale, ses prérogatives depuis sa création ont notamment été d’enquêter sur des réseaux pédopornographiques, sur le trafic d’êtres humains ou d’antiquités. Mais dès sa prise de fonction le 20 janvier 2025, Donald Trump a signé un décret réorientant drastiquement les priorités de l’ICE en lui donnant pour « mission principale » de faire appliquer les lois sur l’immigration et « d’autres lois relatives à l’entrée illégale et à la présence illégale d’étrangers » aux États-Unis.

Depuis janvier, la pression s’est ainsi brutalement accentuée sur les immigrés illégaux avec en ligne de mire une politique du chiffre ouvertement assumée par l’administration Trump. Stephen Miller, conseiller de Donald Trump, évoquait à l’époque un objectif « d’au moins » 75 arrestations de migrants par jour pour chaque bureau de l’ICE installé sur le sol américain. En quatre mois, près de 200 000 personnes ont été expulsées, affirmait à Reuters, Tom Homan, le « Tsar des frontières » de Trump.

Les efforts de l’ICE semblent néanmoins s’être intensifiés ces dernières semaines après une réunion entre Stephen Miller et des hauts responsables de l’agence fédéral fin mai où l’architecte de la politique d’expulsion massive du président américain aurait fustigé un nombre d’arrestations insuffisant. L’objectif quotidien serait donc désormais passé à 3 000, soit dix fois plus d’interpellations chaque jour que sous le mandat de Joe Biden qui avait déjà mené l’une des politiques d’expulsions des migrants illégaux les plus sévères que les États-Unis aient connues. L’administration Biden a notamment expulsé 270 000 personnes en 2024, soit plus que Trump sur l’ensemble de son premier mandat.

Tous les migrants illégaux sont des cibles

Derrière la politique du chiffre, ce sont aussi les profils de migrants ciblés par l’ICE qui a changé sous l’administration Trump. Quand l’agence avait pour consigne d’arrêter les migrants illégaux, jugés dangereux, la définition même de ce qu’est un criminel a désormais changé. « Bien sûr, les trafiquants de drogue, les violeurs, les meurtriers, les individus qui ont commis des actes odieux à l’intérieur de notre pays et qui ont terrorisé les citoyens américains respectueux des lois, devraient absolument être la priorité de l’ICE », déclarait en janvier la porte-parole de la Maison Blanche Karolin Leavitt. « Mais cela ne signifie pas que les autres criminels illégaux qui ont franchi les frontières de notre pays sont hors de portée. »

En clair, n’importe quelle personne entrée illégalement aux États-Unis et n’ayant pas de papiers fait dorénavant partie de la catégorie des « criminels étrangers » pointés du doigt par l’administration Trump. Pour atteindre ses quotas d’arrestations, les agents de l’ICE n’hésitent donc plus à recourir à de nouvelles méthodes.

Un mandat d’expulsion émis par l’ICE ne suffit légalement pas aux agents pour pouvoir pénétrer chez quelqu’un sans son consentement. Avant même la réélection de Trump, l’action de l’Immigration and Customs Enforcement était déjà largement controversée, car ses agents n’hésitaient pas à se faire passer pour des agents de la police locale pour s’introduire chez des migrants illégaux. Une autre de leur technique consiste à montrer la photo d’une personne inconnue à la personne soupçonnée en prétendant devoir vérifier que personne ne correspond à cette description à l’intérieur du domicile, pour pouvoir procéder à une arrestation. Ces ruses moralement discutables ne sont cependant pas répréhensibles par la loi.

Changement de méthode

Depuis le début de l’année, la brutalité des méthodes est encore montée d’un cran. Les agents de l’ICE n’hésitent plus à mener des raids, parfois en civil, contre des lieux fréquentés par des communautés d’immigrés. Ils ciblent des discothèques, comme dans le Colorado, où 100 personnes ont été arrêtées le 27 avril dernier, des restaurants, mais aussi les lieux de travail des immigrés, des médias américains ont notamment diffusé des vidéos d’agent en treillis poursuivant des travailleurs agricole dans un champ. Le New York Times a également rapporté qu’un immigré colombien a été arrêté lors de l’audience examinant sa demande d’asile, à l’intérieur même du tribunal de Van Nuys, en Californie, le 29 mai dernier. Depuis le retour au pouvoir de Trump, l’ICE a aussi l’autorisation d’intervenir dans les écoles et les églises, plongeant ainsi les immigrés dans un état de peur et de stress permanent.

Pour procéder à ces arrestations musclées dans l’espace public, l’agence fédérale va même jusqu’à refuser d’informer les autorités locales de ses interventions par peur des fuites, en particulier avec celles qui refusent de coopérer avec elle. C’est notamment le cas à Los Angeles qui s’est déclarée « ville sanctuaire » pour les immigrés. « Nous ne savons pas où ni quand auront lieu les prochains raids. C’est là toute l’inquiétude », a déclaré à la presse la maire de Los Angeles Karen Bass qui a fustigé la brutalité de certaines arrestations. « On nous a dit qu’ils en avaient après des criminels violents, mais ils ne sont pas allés dans un repaire de trafiquants de drogue, ils sont allés dans un magasin de bricolage, un endroit où ces gens travaillent », a-t-elle dénoncé, en référence à la descente de l’ICE dans un magasin Home Depot qui a mis le feu aux poudres vendredi dernier.

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