
L’accord a été signé par les ministres des Affaires étrangères rwandais et congolais lors d’une cérémonie présidée par le secrétaire d’État américain Marco Rubio. Une poignée de main historique entre les ministres des Affaires étrangères rwandais et congolais a conclu la signature de cet accord en trois exemplaires. « C’est un moment important après trente ans de guerre », a déclaré le secrétaire d’État américain Marco Rubio lors d’une cérémonie au département d’État aux côtés de ses homologues rwandais et de la RDC, ajoutant cependant qu’il y avait encore « beaucoup à faire ».
L’accord est « fondé sur l’engagement pris ici de mettre fin de manière irréversible et vérifiable au soutien de l’État aux FDLR et aux milices associées », a déclaré le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, lors de la cérémonie. « Nous devons reconnaître qu’il règne une grande incertitude dans notre région et au-delà, car de nombreux accords précédents n’ont pas été mis en œuvre et il ne fait aucun doute que la route à venir ne sera pas facile. Mais avec le soutien continu des États-Unis et d’autres partenaires, nous croyons qu’un tournant a été atteint », a-t-il ajouté.
L’accord « prévoit le désengagement des forces armées, la protection des civils, le retour des personnes déplacées et des réfugiés sous l’autorité du gouvernement – et établit un mécanisme de suivi pour en assurer le respect », a souligné la ministre des Affaires étrangères de la RDC Thérèse Kayikwamba Wagner. « Il ne s’agit pas de simples mots sur le papier. Ils doivent maintenant être traduits en actes, dans le respect de la justice, de l’obligation de rendre compte et de la volonté politique ».
Le conseiller du président Trump pour l’Afrique, Massad Boulos, a lui indiqué que Kigali s’engage à la « levée des mesures défensives du Rwanda » même si l’accord ne parle pas explicitement du M23. Pas de retrait immédiat donc, mais une mise en œuvre graduelle à travers un plan conjoint, le CONOPS, adopté le 31 octobre 2024. Ce plan vise la neutralisation du groupe armé FDLR. La question du retrait des militaires rwandais, régulièrement dénoncée par Kinshasa, mais jamais reconnue publiquement par Kigali, est directement liée à ce dispositif. Cet accord de paix « n’est que le début, pas la fin », a dit la ministre congolaise.
L’accord prévoit aussi, dans un mois, la mise en place d’un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire entre la RDC et le Rwanda. Ce dispositif surveillera la mise en œuvre des engagements en matière de sécurité.
Un comité de surveillance conjointe est également prévu. Il devra traiter les plaintes, constater les éventuelles violations et résoudre les différends. Ce comité sera appuyé par l’Union africaine, le Qatar et les États-Unis.
Donald Trump salue « un nouveau chapitre d’espoir »
Le président américain Donald Trump a salué la signature d’un accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda qui ouvre selon lui « un nouveau chapitre d’espoir » dans la région. « Aujourd’hui, la violence et la destruction prennent fin et toute la région entame un nouveau chapitre d’espoir et d’opportunités, d’harmonie, de prospérité et de paix », a déclaré le président Donald Trump aux côtés des ministres des Affaires étrangères des deux pays. « C’est un jour merveilleux », a-t-il ajouté.

Selon des documents consultés par RFI et des sources proches de la médiation, avant cette signature, le projet de texte consacrait aussi un important volet économique. Il prévoyait en effet un cadre d’intégration régionale, des projets structurants dans l’énergie, les ressources naturelles et les infrastructures, intégrant les intérêts américains dans la région. Rwanda et RDC s’engagent aussi à renforcer leur coopération aussi sur la gestion des parcs nationaux, le développement hydroélectrique,
Pour rappel, cet accord signé ce vendredi s’inspire d’une Déclaration de principes approuvée en avril entre les deux pays. Selon le département d’État américain, il prévoit des dispositions sur « le respect de l’intégrité territoriale et l’arrêt des hostilités » dans l’est de la RDC après l’offensive menée par le M23.
Ce groupe armé, soutenu par le Rwanda selon l’ONU et différentes chancelleries occidentales, s’est emparé des villes de Goma et Bukavu, respectivement capitales des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, au terme d’une offensive faisant des milliers de morts.
Les États-Unis se sont déjà investis par le passé pour tenter de résoudre la crise dans l’est de la RDC
Ce n’est pas la première fois que Washington s’implique dans la crise de l’Est congolais. Le 26 octobre 2004, un accord tripartite entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda est signé à Kigali, sous la facilitation américaine. C’est le sous-secrétaire d’État Donald Yamamoto qui pilote les discussions. L’objectif était d’instaurer des mécanismes conjoints de sécurité aux frontières. Mais sur le terrain, les résultats se sont fait attendre.
Autre tentative plus récente : les 19 et 20 novembre 2023. Les présidents Tshisekedi et Kagame promettent de mettre en place des mesures concrètes pour réduire les tensions. Avril Haines, la patronne du renseignement national américain, se rend à Kinshasa et Kigali. Elle promet un suivi strict. Mais là encore, peu d’effets visibles.
Quelles garanties pour faire respecter l’accord ?
Sur le terrain, la situation sécuritaire s’est fortement détériorée. Ensuite, Donald Trump veut marquer l’histoire. Son équipe le dit : il vise le prix Nobel de la paix. Autre facteur important : la stratégie américaine. Washington veut renforcer sa présence économique et politique en RDC, face à une Chine déjà bien implantée, notamment dans le secteur minier.
Et justement, sécuriser l’accès aux minerais stratégiques de la région est devenue une priorité pour les États-Unis. Mais tout cela dépend du retour effectif de la paix. Deux grands défis se posent encore : le premier, c’est le sort des FDLR. Ce groupe armé n’est pas impliqué dans les discussions et devra être neutralisé, dit l’accord.
La tâche ne sera pas si simple. Le second, c’est la question de l’AFC/M23. Le mouvement contrôle toujours plusieurs agglomérations dans l’est de la RDC. Un accord séparé est en négociation à Doha, mais il n’est pas encore signé. C’est sans doute là le prochain grand défi. Car depuis une semaine, les délégations de l’AFC/M23 et du gouvernement ont quitté une fois de plus Doha sans accord, mais, les tractations continuent malgré les difficultés.
Pour l’AFC/M23, le schéma est clair : d’abord, l’application des mesures de confiance ; ensuite, une signature conjointe du cessez-le-feu ; et enfin, un accord global qui traite les causes profondes du conflit. Côté Kinshasa, la priorité est tout autre, le gouvernement exige d’abord le désengagement du groupe armé, son cantonnement et le rétablissement de l’autorité de l’État. Le reste viendra après.
Un diplomate au fait des négociations est conscient des enjeux, mais reste confiant : les discussions portent sur des enjeux profondément enracinés. Ainsi, il faut du temps, et surtout, de l’engagement, dit-il. De leur côté, les Qataris restent mobilisés et sont en contact direct avec les deux camps, selon nos informations, avec l’objectif de faire converger les positions le plus rapidement possible.
Pour Pierre Boisselet, directeur du pilier violence de l’institut congolais Ebuteli, la signature de l’accord de paix n’est pas forcément synonyme de fin des hostilités, malgré l’accalmie observée ces derniers mois. « Le front n’a pas beaucoup évolué. Maintenant, cela peut tout à fait reprendre à tout moment, je dirais. On a vu ça dans le passé au cours de cette crise, des cessez-le-feu plus ou moins respectés, le front plus ou moins gelé. Et derrière, suite à des échecs politiques ou diplomatiques, un conflit qui redevenait actif avec à nouveau des conquêtes territoriales importantes, souvent d’ailleurs au profit du M23 et de l’armée rwandaise », prévient-il.