
RFI : N’y a-t-il pas une contradiction entre la tenue de négociations pour la paix et en même temps une avancée militaire ?
Jean-Paul Paloméros : De manière générale, quand il y a une perspective de négociation dans un conflit, dans une crise, les belligérants essayent de prendre un avantage, si possible décisif. Cela lui permet d’avoir la main sur les négociations puisqu’ils ont pris cet avantage-là.
En ce qui concerne la Russie, il y a quand même un point central, c’est que pour moi, elle ne veut pas de vraies négociations. Moscou a imposé ses critères, sa volonté de continuer à détruire, à envahir. Et aujourd’hui, Vladimir Poutine continue à presser Kiev de manière à ce que l’Ukraine perde à la fois sa puissance et une bonne partie de sa souveraineté.
Donc, la Russie fait traîner les négociations, continue à réclamer des concessions à l’Ukraine, tout ça pour avancer sur le terrain ?
Monsieur Poutine et Monsieur Trump se sont appelés par téléphone, longuement. Mais tout ça pour moi, c’est un peu du cinéma. Parce que rien n’a changé dans la volonté de Poutine et de ses apparatchiks sur le but de guerre. Et ce n’est pas compatible avec de vraies négociations. J’avais prévu qu’une sortie de ces négociations très concrètes serait un échange de prisonniers. C’est à peu près le mieux qu’on puisse attendre aujourd’hui.
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Sur le terrain, les Russes essaient de créer une zone tampon du côté de la frontière du Nord. Ils vont continuer à presser du côté de Soumy et de Kharkiv. Ça, c’est important parce que s’ils arrivent à portée de canon, à portée d’artillerie de ces deux villes, là, ils vont pouvoir soumettre vraiment ces villes à des fortes attaques. C’est un enjeu fort. Et puis ils essayent de grappiller, d’avancer vers Zaporijjia, déjà, pour sécuriser les oblasts qu’ils ont « annexés » comme ils disent, et si possible commencer à en grignoter d’autres.
Peut-on parler d’une percée russe sur le front ?
C’est une avancée, n’exagérons pas le mot. Pour l’instant, la défense Ukrainienne n’a pas été percée. Maintenant, tout ça est fragile. On sait que les armes américaines n’arrivent sans doute plus au même rythme qu’avant. Les Européens fournissent ceux qu’ils peuvent, mais est-ce que ça va être assez ?
Et puis, il y a le problème lancinant depuis le début de la guerre des ressources humaines, de la mobilisation de réservistes, de la mobilisation des jeunes. Je crois que vu l’ampleur du front, c’est le vrai défi. Alors, vous allez me dire, du côté de Poutine, il y a le même problème. Mais il faut savoir qu’il embauche quand même des soldats à 3 000€ ou 4 000€, quand un médecin est payé 1 000€ par mois. Donc, c’est assez attractif, même si c’est pour aller se faire tuer.
Là, pour l’Ukraine, on est à trois ans et demi de guerre, face à une grande puissance. Au départ, sans ressources et pratiquement sans réserve. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils tiennent toujours. Alors, certes, ils ont beaucoup d’imagination. Ils sont très efficaces. Mais est-ce que tout ça va tenir longtemps ? La clé, c’est de savoir si le président Zelensky va pouvoir encore mobiliser les forces.