
Comment faire passer un budget sans majorité, quand personne n’est d’accord sur rien et que le Premier ministre a renoncé à faire usage du 49.3, qui permet une adoption sans vote ? La mission paraît déjà à certains quasi-impossible, rapporte Valérie Gas, cheffe du service politique de RFI. Un sénateur Renaissance prévoit même que le texte qui sortira des discussions sera « loufoque » et donc « ne sera pas voté ».
Lors de l’examen du projet de loi de finances en commission aucun compromis n’a en effet été possible notamment entre le bloc central et les socialistes. La donne peut-elle changer dans l’Hémicycle ?
Il faudrait que le Parti socialiste ne multiplie pas les demandes et que le gouvernement fasse des concessions notamment sur l’imposition des plus grandes fortunes. La taxe Zucman ne passera pas, estime un socialiste, mais il faudrait au moins trouver 7 à 8 milliards en taxant les ultra-riches et que les députés LR soient plus conciliants que Bruno Retailleau qui juge le budget « invotable » en l’état. L’objectif a minima est d’obtenir l’abstention du PS à défaut du vote. Dans les colonnes du journal Le Parisien, Boris Vallaud, le patron du groupe socialiste à l’Assemblée, promet que si « le bloc central n’est pas capable de justice fiscale, le débat budgétaire s’arrêtera très vite ».
Sébastien Lecornu a prévu d’être au banc pendant les débats. Un signe de sa volonté d’être là aux moments clefs, il est vrai que l’avenir de son gouvernement en dépend.
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Le Rassemblement national présente son contre-budget
De son côté, le Rassemblement national (RN) a présenté ce jeudi 23 octobre son projet de contre-budget, rapporte Charlotte Urien-Tomaka, du service politique de RFI. Des mesures qui viendraient corriger la copie initiale du Premier ministre autour d’un axe principal : celui de la réduction des dépenses de l’État, selon Marine Le Pen. Une chasse aux dépenses de l’État que Marine Le Pen considère inefficaces ou inutiles : les dépenses liées à l’immigration, 12 milliards d’euros escomptés, la contribution de la France à l’Union européenne ou encore ce qu’elle appelle le train de vie de l’État.
La patronne des députés RN vend sa méthode : « Nous sortons du cadre peut-être, mais c’est aussi notre rôle, mais nous nous refusons d’être enfermés dans le triangle de Bermudes dans lequel se perd l’économie française depuis des décennies où on explique que la seule solution c’est le sacrifice », a déclaré la cheffe de file du parti d’extrême droite.
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Selon le parti, au total, ce projet de contre-budget permettrait de dégager 36 milliards d’euros d’économies pour réduire le déficit et parallèlement Jean-Philippe Tanguy, le monsieur finances publiques du parti, promet des baisses de taxes notamment les impôts de production. « Un choc de production, un choc de compétitivité… pour nos entreprises avec la baisse massive des impôts de production », avance-t-il.
Marine Le Pen s’oppose à une nouvelle contribution des retraités pour compenser la suspension de la réforme des retraites. D’ailleurs, elle confirme que le Rassemblement national est « pour la suspension » de la réforme des retraites. Mais ce n’est pas pour autant que le parti acceptera le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale en l’état.
Sébastien Lecornu sanctuarise le débat sur la suspension de la réforme des retraites
Le Conseil des ministres a été présidé ce jeudi 23 octobre par Emmanuel Macron en visio de Bruxelles, où il participe au Conseil européen. Il s’agissait de valider la « lettre rectificative » qui doit permettre d’inscrire la suspension de la réforme des retraites dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2026. Le Premier ministre veut ainsi rassurer les socialistes. C’est « un gage de clarté et de transparence pour garantir un débat loyal et sincère » que Sébastien Lecornu a voulu donner en choisissant la procédure qui permet d’inscrire la « suspension » de la réforme des retraites dans le texte initial du budget de la Sécurité sociale, dixit le communiqué de Matignon à l’issue du Conseil des ministres.
Une manière pour le Premier ministre de mettre un terme aux soupçons. Un amendement aurait pu être abandonné, si le gouvernement recourait finalement aux ordonnances pour faire passer le budget, une lettre rectificative sanctuarise la proposition. Une manière aussi de faire oublier les paroles d’Emmanuel Macron il y a deux jours qui ne parlait que d’un « décalage ».
En revanche, les mesures proposées pour faire face au coût de la suspension de la réforme des retraites jusqu’à janvier 2028 – 100 millions d’euros en 2026, 1,4 milliard en 2027 – ont tout de suite provoqué des critiques. Le gouvernement envisage de mettre à contribution les complémentaires santé et les retraités pour financer ces dépenses. La levée de boucliers a été immédiate de la part de La France insoumise, du Rassemblement national, mais aussi des syndicats CGT et CFDT. Ce qui laisse présager une bataille âpre lors de l’examen du texte.